Portrait
Prof. Dr. Siegfried Nagel
(53 ans) a étudié les sciences du sport et les mathématiques à l’Université Tübingen. Son habilitation en 2005 portait déjà sur les clubs de sport en mutation. En 2008, il a été nommé professeur à l’Institut des sciences du sport de l’université de Berne, dont il est directeur depuis 2016. Il s’intéresse actuellement aux questions relatives à la participation, à l’intégration et à l’inclusion dans le sport ainsi qu’au bénévolat et à la professionnalisation dans les clubs et les fédérations sportives. Siegfried Nagel est le président en exercice de la Société suisse des sciences du sport (SSSS). Ce scientifique est un passionné de ski de fond et a découvert en Suisse la course d’orientation, un sport fascinant.
Siegfried Nagel, pendant la pandémie de coronavirus, de nombreuses personnes ont commencé à pratiquer du sport seules. Est-ce que le concept société de gymnastique avec des heures d’entraînement fixes est dépassé ?
Siegfried Nagel : Au contraire : les deux dernières années ont justement montré combien les contacts sociaux nous sont précieux. Les sociétés de gym offrent la possibilité de nouer et d’entretenir des amitiés. Le désir de communauté est l’une des principales raisons de s’engager dans une société.
Et mis à part l’aspect social ?
Il est beaucoup plus motivant de pratiquer le sport en groupe. Je suis guidé et je peux m’améliorer. Pour ressentir un effet positif, je dois persévérer. Et là, le lien est plus fort dans une société de gymnastique : les gens vont régulièrement à l’entraînement, parce que le rendez-vous est inscrit dans leur agenda. En revanche, un home-trainer à la maison est souvent utilisé avec enthousiasme au début – et peu après il se retrouve abandonné dans un coin servant de porte-habits.
Les jeunes utilisent la société de gym comme alternative à l’abonnement coûteux de fitness.
Oui, les chiffres le prouvent. En Suisse, environ la moitié des jeunes de 10 à 19 ans font partie d’un club sportif. La cotisation annuelle est bon marché. Les jeunes aiment pouvoir y retrouver d’autres jeunes de leur âge en toute simplicité. Souvent, les parents soutiennent l’activité sportive dans la société, surtout si eux-mêmes en sont membres. Les sociétés ont également un grand potentiel en matière d’intégration, de socialisation, de développement des valeurs et de promotion de la santé.
Cela semble assez abstrait.
Concrètement, cela signifie que les enfants et les jeunes apprennent le fairplay, les valeurs et les normes. Ils découvrent qu’ils peuvent faire bouger les choses en participant, aidant et assumant des responsabilités. Des jeunes de 16 ans donnent déjà des cours ou organisent des événements. Ils apprennent à formuler une proposition et à la présenter à une AG. À mes yeux les sociétés sont donc une véritable ‹ école de la démocratie ›.
Une exigence énorme ! Mais est-ce que c’est perçu comme ça ? L’image des sociétés de gymnastique n’estelle pas une peu désuète ?
Le terme ‹ gymnastique › a naturellement une longue tradition. Aller au ‹ fitness › ou à ‹ l’entraînement › peut paraître plus moderne pour certaines personnes. Les sociétés pourraient toutefois rendre leur communication plus attractive. Aujourd’hui, il est par exemple possible de remanier rapidement son site Internet. Et la jeunesse peut y être facilement associée – il en va de même avec l’utilisation des médias sociaux.
Il y aura alors des selfies pris dans la salle de gym sur Instagram ?
Pourquoi pas ? Mais une apparence plus fraîche ne suffit pas. ‹ Nous faisons cela depuis 30 ans et nous nous y tenons › – cette attitude devrait avoir fait son temps. Les comités et les actifs doivent être prêts à repenser les structures de la société, à élaborer de nouveaux modèles en ce qui concerne la direction, l’administration, les cours, les bénévoles ou les activités rémunérées. Une culture de dialogue ouverte doit aussi exister au sein de la société, une volonté de changement et une ouverture à la diversité.
Les clubs de sport suisses en chiffres
- 2 mio. de membres y sont actifs
- 19'000 clubs de sport existent en Suisse
- 25'000 heures de sport ont lieu en Suisse tous les jours dans les installations publiques
- 335'000 bénévoles s’engagent pendant leurs loisirs
- 41 % des sociétés citent la recherche infructueuse de fonctionnaires comme un souci menaçant leur existence
Comment les sociétés de gym suisses contribuent-elles à l’intégration ?
On dit que les sociétés sont le ‹ ciment social de la société ›. Malgré cela, elles ne parviennent souvent pas à intégrer correctement les personnes issues de l’immigration - surtout les femmes et les filles - ou les personnes handicapées. Les sociétés de gymnastique ne sont pas des oasis sociales. Là aussi, on peut rencontrer harcèlement, discrimination ou abus. C’est pourquoi, sensibilité et tolérance sont nécessaires en vue de l’intégration : on ne peut pas s’attendre à ce que tout le monde parle le dialecte suisse-allemand régional, il faut être ouvert à la diversité linguistique et culturelle.
Y a-t-il un fossé entre les sociétés des villes et des campagnes ?
A la campagne, les sociétés sont encore prépondérantes. Presque une personne sur trois y est membre d’un club de sport. En ville, où il existe beaucoup de prestataires commerciaux comme des centres de fitness, des écoles de yoga ou des salles d’escalade, cette proportion n’est que d’environ une personne sur cinq. En fait, les grandes sociétés de gymnastique situées en ville sont très ouvertes aux tendances et développent beaucoup d’offres attrayantes, mais la vie sociale se déroule plutôt ailleurs. Malgré la grande estime dont elles jouissent dans la société, les sociétés de gym sont confrontées partout aux mêmes défis qui sont l’acquisition de membres et le bénévolat. L’individualisation, l’orientation croissante vers les services et la mentalité de client de notre société ne s’adaptent que partiellement aux structures traditionnelles des clubs sportifs.
Que faire ? Comment renforcer le bénévolat ?
L’estime est centrale pour celui qui s’engage pour l’intérêt commun d’une société. Les bénévoles veulent toutefois aussi faire bouger les choses, participer au ‹ pourquoi › et aux objectifs et pas seulement assister et exécuter. Les jeunes qui s’engagent par exemple dans les cours doivent être initiés progressivement à leurs tâches. Leur donner la garantie qu’une équipe est derrière eux pour les soutenir et qu’ils ont aussi droit à l’erreur. Et indemniser les bénévoles ne peut certainement pas faire de mal.
Et en ce qui concerne le travail du comité ?
Les fonctions et les responsabilités peuvent être partagées en job-sharing. Une co-présidence peut plus facilement être conciliée avec les obligations familiales et professionnelles. Les avantages de la numérisation peuvent également être utilisés dans le travail de la société, par exemple en organisant parfois des réunions en ligne afin d’économiser du temps et des déplacements. De plus une société ne devrait pas craindre de professionnaliser certains domaines.
Cela signifie un travail rémunéré ? N’est-ce pas en contradiction avec l’esprit de société ?
Il faut naturellement des bénévoles qui se comportent de manière solidaire et assument des responsabilités. Les grandes sociétés pourraient toutefois externaliser les tâches administratives de gestion de la société sous forme de postes à temps partiel. Ou engager et payer des entraîneurs formés pour des offres sportives d’un niveau qualitatif élevé, par exemple dans le domaine de la promotion de la santé. Il est important que de telles choses soient discutées ouvertement par les membres et décidées de manière transparente.
Mot-clé promotion de la santé : est-ce que les sociétés ont suffisamment d’offres pour la génération 50+ ?
La gymnastique est variée et constitue une bonne base pour rester en forme et mobile à un âge avancé. À mon avis, il y a beaucoup de possibilités dans les sociétés pour la génération plus âgée. C’est un plus si les sociétés proposent des cours spécifiques pour la santé et le bien-être, en plus du sport de performance et de compétition, par exemple pour prévenir les problèmes de dos ou pour entraîner le système cardiovasculaire.
Qu’est-ce qui est encore déterminant pour le futur des sociétés ?
Les sociétés doivent être ouvertes à de nouveaux groupes de personnes. Pour les tendances et le développement de nouvelles offres, il suffit parfois d’une petite variation pour rendre les sports traditionnels plus modernes. De plus, l’entraînement ne doit pas seulement avoir lieu aux heures classiques des sociétés, en semaine, après le travail. La salle de gym peut aussi être ouverte le week-end. On peut également se retrouver ailleurs. Une bonne idée serait de coopérer avec d’autres sociétés pour créer des synergies. Pourquoi ne pas développer une offre polysportive commune pour les enfants ? Et unir les forces en matière de relations publiques, de gestion des membres et de représentation des intérêts ?
« Nous facilitons le mouvement sportif en Suisse afin de créer une communauté, des expériences et un bien-être pour tous. » Que conseillez-vous à la FSG pour mettre en oeuvre cette proposition de valeur ?
Une orientation plus marquée vers la qualité de l’offre et une professionnalisation des structures ne sont nullement en contradiction avec l’esprit de société. La FSG peut certainement offrir des programmes, des outils, des formations et des perfectionnements adaptés. Si elle prend les sociétés par la main et leur montre le chemin pour combiner tradition, innovation et diversité, les sociétés pourront à l’avenir encore mieux exploiter leur potentiel social, attirer et conserver des membres.
Management de société FSG
Dans les formations de management de société FSG, les membres de comité et CO acquièrent des outils spécifiques et des contenus pour un travail de société plus efficace. Grâce à l’échange avec d’autres fonctionnaires de société, ils peuvent profiter de nouvelles approches de solution et d’un réseau élargi. Le workshop « Club sportif 2030 » est spécialement orienté sur le thème de l’innovation. Il montre aux sociétés comment s’équiper pour continuer à exister à l’avenir.